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Le contenu suivant est extrait de mon prochain livre sur les cycles de marché.
Je donnerais à ce phénomène le nom de phénomène d’ébullition.
L’importance du timing dans les cycles de marchés est centrale. Deux évènements identiques produits à deux époques différentes peuvent avoir des conséquences totalement opposées. Si vous appelez les secours une minute plus tard lors d’un grave accident physique, les chances de survie peuvent être totalement changées. Le contexte dans lequel les évènements se déroulent détermine nécessairement le futur de ces mêmes évènements. Il y a chez les grands stratèges cette incroyable capacité à saisir les fenêtres d’opportunités de contextes instables. De ce constat, on comprend que sans exactitude temporelle, les cycles n’existeraient pas. Si les cycles existent, c’est simplement car ils permettent de mesurer la distorsion du temps linéaire. C’est tout.
La question d’intensité des cycles dépend donc nécessairement du moment où ils prennent effet. Effectivement, les cycles se juxtaposent avec divers coefficients d’influence à tous les autres cycles. La combinaison de cycles insignifiants peut avoir des conséquences intensives considérables. C’est ce que Nassim Nicholas Taleb décrit comme la théorie du Cygne Noir, autour des évènements théoriquement improbables et aux conséquences majeures.
Ces phénomènes sont révélateurs d’écarts d’énergie considérables sur des périodes bien précises. Ainsi, les figures cycliques dépendent tout ou presque du contexte dans lequel elles évoluent. En physique, le fameux point d’ébullition (« boiling point » en anglais) est révélateur du fait que divers paramètres doivent être pris en compte. Un marché n’est pas seulement un graphique que l’on représente selon des prix (y) dans le temps (x). Un état de marché est défini par ses conditions d’existence. Cela montre bien que les conditions d’existence d’un marché vont déterminer sa cyclicité. Réciproquement, la cyclicité du marché détermine ses conditions d’existence. Le marché évolue en plusieurs dimensions et selon plusieurs variables.
Le graphique ci-dessous montre la température très exactement nécessaire pour que l’eau puisse entrer en ébullition avec une pression atmosphérique variable. Le point d’ébullition de l’eau au sommet du mont Everest est par exemple de 71°C contre près de 100°C sur de faibles altitudes. Simplement car la pression est plus faible en montagne que sur terre. De plus, on notera le fait que la hausse de la température nécessaire au point d’ébullition décroît avec la hausse de la pression. Ecrit plus clairement, il faut de plus en plus de pression pour faire augmenter d’autant la température d’ébullition de l’eau.
On rappellera en effet que la pression dépend de la force (F) exercée sur une surface (S) :
P = F/ S
Avec la force F = ρ x v x g (masse volumique multiplié le volume occupé et par la force gravitationnelle).
Les marchés suivent sensiblement les mêmes lois. La pression exercée sur un titre par exemple dépend de la force acheteuse et vendeuse d’une part (notons F les quantités demandées ou vendues) et des quantités disponibles d’autre part (notons Q, les quantités conservées).
De même, la « force gravitationnelle » exercée par un titre correspond à son état comparatif face aux autres valeurs (ratios de comparaison) d’une part, et du contexte global de l’environnement d’autre part[1]. Ainsi, notre titre aura tendance à très fortement progresser (« s’évaporer » à la hausse ou à la baisse) sur des niveaux très précis selon la pression sur le cours. Si nous inversons les axes de pression et de température (cours) du graphique, nous observons avec ses paramètres ajustés qu’il faut une faible pression baissière pour que le cours puisse s’envoler sur des niveaux très élevés par exemple. Ces forces sont tout à fait quantifiables et permettent de mettre en perspectives diverses figures cycliques.
Quand on regarde plus attentivement au processus d’ébullition de l’eau, on se rend compte que l’ébullition puis l’évaporation se fait par paliers. C’est-à-dire que durant un certain moment, l’eau sera entre deux états (solide et liquide ou liquide et gazeux par exemple). Les marchés n’échappent pas à ces logiques. Durant certaines périodes, les marchés seront entre une situation de calme et d’euphorie par exemple (fort optimisme). C’est ce que j’appelle le point d’ébullition (à la hausse ici). Les cours peuvent augmenter légèrement pendant un long moment avant de brutalement casser à la hausse. Cette figure est assez célèbre, en particulier sur les valeurs spéculatives ou la pression acheteuse, initialement faible, permet l’explosion des cours.
Ce phénomène d’évaporation est également valable à la baisse. C’est en particulier le cas avec des krachs ou des mouvements faisant suite à une stagnation continue sur des niveaux élevés. Comme le montre le graphique ci-dessous, ce type de « figure d’ébullition » est assez répandue sur les marchés ainsi que sur à peu près toutes les échelles de temps. Le point d’ébullition d’un marché est une notion essentielle en cyclicité des marchés.
Cette représentation du phénomène d’ébullition nous indique clairement que la cyclicité des marchés est conservée avec un emballement intensif. C’est-à-dire que la progression continue de la pression sur les cours (accélération du temps ressenti) conduit à moment donné à un emballement intensif, sans pour autant changer la cyclicité du marché. En réalité, le point d’ébullition d’un marché nous permet de voir que des cycles intensifs (et non temporels) très puissants se concentrent sur de faibles intervalles de prix.
Dans différents articles, je suis revenu sur le cas du Bitcoin par exemple entre 2019 et 2021. Celui-ci montre clairement que même après le passage d’un point d’ébullition, la cyclicité fondamentale est respectée. Observation commune à tous les marchés ayant franchi un point d’ébullition majeur. Le seul changement qui opère se traduit par une intensité plus ou moins forte des phases de hausse ou de baisse des cycles de marché. Ecrit plus clairement, les cycles peuvent se manifester par des phases de rupture intensives comme ici avec une figure d’ébullition.
Nous pouvons concrétiser ce phénomène sur tous les marchés ou presque (spéculatifs, matières premières, etc…). Dans le cas des matières premières par exemple, une situation de pénurie va drastiquement augmenter la force acheteuse exercée sur les cours. Cela va conduire mécaniquement à une hausse d’autant plus importante des cours. Le point d’ébullition est atteint quand la pression (haussière ici) est si forte, malgré la hausse précédente des cours, que la situation devient intensivement incontrôlable. C’est l’ébullition.
Plus simplement écrit, le point d’ébullition sur les marchés possède des paramètres inverses au point d’ébullition de l’eau. L’eau va accumuler une quantité d’énergie considérable avec la hausse de la température avant d’entrer en ébullition soudainement. Les marchés suivent donc la même logique. Durant les périodes de pré-ébullition, les agents sont plutôt optimistes et les quantités non-disponibles (conservées par les anciens acheteurs) provoquent l’accumulation d’une énergie considérable sur le marché. Quand la pression acheteuse augmente, cela provoque nécessairement une entrée en ébullition des cours (faible offre, forte demande). Le marché passe d’un état d’optimisme à un état d’euphorie. Ainsi, on modélise à nouveau le point d’ébullition par les variables suivantes :
P = F/Q
Avec F la force vendeuse dans le cas d’un point d’ébullition haussier. De même, Q correspond aux quantités conservées par les agents selon les prix donnés.
Dès lors, la pression (baissière ici) est minimale quand la force vendeuse (F) est faible et quand les quantités conservées (Q) sont importantes. En reprenant la courbe d’ébullition de l’eau, cela provoque un rapprochement entre cours auquel le titre peut entrer en ébullition et le prix du titre. Le point d’ébullition est atteint quand le prix de l’actif atteint le cours d’ébullition. Cette analyse est particulièrement pertinente quand on sait qu’il existe une très forte corrélation par exemple entre les performances des actions et la part des actions détenues en portefeuille.
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Thomas Andrieu | Écrivain et rédacteur économique et financier
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[1] F Dépend ici de l’attractivité g du titre et des volumes v… F = v x 1/g