Les prochaines années vont marquer de profonds réajustements économiques. En réalité, ces réajustements sont déjà perceptibles, et la réaction fondamentale actuelle des cryptos et Bitcoin (BTC) donne un bon aperçu de ce qui pourrait s’annoncer dans les prochaines années. Il y a manifestement des signaux de long terme : économiques, monétaires et financiers. Cet article permet de saisir la place économique que prennent actuellement les cryptomonnaies et les liens déjà perceptibles entre économie et cryptos.
Des signaux de long terme majeurs
L’industrie crypto prend une ampleur systémique
l y a deux révolutions monétaires qui se jouent aujourd’hui : le libre marché monétaire et l’absence d’institution. En 2018, on pouvait estimer à 35 millions le nombre d’utilisateurs cryptos. C’est près de 100 millions au premier semestre 2020. Entre temps, est passé le Libra. Il a provoqué une réaction épidermique des gouvernements qui ont d’un coup décidé de prendre au sérieux cette industrie. Après les Banques en 2017/2018, les gouvernements s’intéressent de près aux cryptos. Simplement car l’industrie soulève des enjeux systémiques.
Avec le recul, on se rend compte que les cryptos sont une avancée monétaire au moins équivalente aux lettres de changes ou aux billets. Pourrions-nous même spéculer en disant les pièces. Ce qui pourrait être « une nouvelle étape dans l’évolution de la monnaie » (FMI, août 2020) devient une réalité.
Les cryptos s’insèrent dans le paysage quotidien (Pay Pal, Banques, Investissements, etc…) et prennent doucement une ampleur systémique. Les gouvernements et les Banques centrales tentent de reprendre la main avec 10 de retard en essayant de lancer leurs propres cryptos ou en mettant en place une régulation. Il y a des enjeux de souveraineté économique avec l’ordre systémique établi actuellement.
Cryptos : une révolution économique ?
Il y a deux principales révolutions économiques dans les cryptos :
- La première révolution ; nous la connaissons : l’absence de loi à proprement parlé, et donc l’absence d’institution au pouvoir centralisé. Ainsi que l’absence de dégradation monétaire avec la limite de la monnaie en circulation.
- La deuxième révolution économique ; elle se dessine lentement et soulève des enjeux systémiques : le libre marché monétaire. Chacun peut librement choisir SA propre monnaie. C’est une révolution pour la liberté économique (liberté qui, rappelons-le, est directement menacée par la dégradation monétaire à l’extrême). C’est une refonte des conceptions modernes de l’État monnayeur.
Dès lors, deux dynamiques économiques sont à distinguer :
- la croissance de l’insécurité monétaire centrale pour les prochaines dizaines de mois ;
- la possibilité des agents de choisir leur monnaie de préférence.
Nous pourrions faire une comparaison avec de nombreux empires ou cités-États où la dégradation monétaire a profité aux monnaies clandestines (en réponse historique à la dégradation monétaire centrale et aux tensions démographiques, économiques ou sociales). Nous ne faisons que répéter figure historique millénaire version 2.0. La différence, c’est le caractère organisé et structuré de ces monnaies qui en font des concurrents directs aux monnaies institutionnelles.
Des fondamentaux économiques et financiers clairs
Les cryptos en général (en particulier les plus importantes), réagissent à des logiques économiques et financières assez précises. Il n’y a pas de raisons pour que cela ne soit pas le cas dans les prochaines dizaines de mois.
Le graphique ci-dessus reprend le Bitcoin avec l’indice de stress financier établi par FRED (en bleu). Le graphique montre qu’il y a une bonne répondante du prix du BTC à des logiques liquidités/risques. Ce graphique tend à montrer que le Bitcoin entame un rallye haussier après chaque détente du stress financier. Ce fut le cas après le ralentissement économique (diminution du taux de croissance) de 2015/2016, et à nouveau à partir du ralentissement de 2018/2019, et en partie après celui moins notable de 2012/2013.
La crise actuelle a généré une hausse historique du stress financier et devrait impliquer le maintient d’un très fort stress économique et financier jusqu’en 2022 au moins. Plus ce risque sera cumulatif, plus les chances de rallye haussier sur le Bitcoin –dans notre exemple– seront importantes. C’est une réaction cyclique du Bitcoin aux cycles économiques et financiers.
Pandémie : une bénédiction économique pour les cryptos ?
Les réajustements économiques qui opèrent actuellement ne sont pas des réajustements de long terme, mais de très long terme. L’ampleur du choc économique actuel en atteste (récession 2020 4 à 5 fois supérieure à celle de 2009). Les variations du stress économique (confiance) et financier (volatilité principalement) sont d’une telle amplitude que cela peut constituer un signal définitif sur les cryptos. C’est-à-dire leur insertion dans le paysage non plus seulement financier, mais économique.
Il y a manifestement un signal fondamental de long et long terme sur les cryptos. Les cryptos ont été dans les grands gagnants de cette première phase de crise, il n’y a pas de raisons pour que ce ne soit pas le cas dans la deuxième phase de crise.
L’avènement d’une nouvelle ère économique
Des réajustements structurels à venir
On entend par réajustements l’ensemble des rééquilibrages économiques qui peuvent survenir sur une certaine période : passage de la désinflation à l’inflation, passage de la baisse des taux à la hausse des taux, passage de la hausse de la profitabilité des entreprises à la baisse de la profitabilité, passage de hausse de l’endettement à la baisse de l’endettement, etc… Ou inversement.
La crise du covid implique une telle intensification des tendances observées ces 40 dernières années qu’il est presque certain d’assister à de nombreux réajustements au sortir de cette crise. [Réajustements sur lesquels je suis revenus dans mes diverses publications].
Ce graphique reprend le taux d’intérêt de la Bank of England depuis 1694. Le choix des taux dans la représentation des ajustements économiques est important. Par exemple, entre 1945 et 1980, les taux n’ont cessé de monter, en parallèle à l’inflation et à l’inverse de l’endettement. Depuis 1980, nous assistons à un équilibre inverse. Cela permet de mettre en avant une non durabilité du mouvement baissier sur les taux sans tensions économiques graduelles. C’est ce qui a en outre provoqué la diffusion des cryptos monnaies dans le paysage financier [voir mon article à ce sujet].
Dans les prochaines années nous serons très certainement confrontés à de nouvelles tendances économiques. Les Banques centrales l’ont bien saisies. Pour éviter la croissance 0% et la hausse des taux, les Banques centrales devraient maintenir de fortes injections de liquidités. En se faisant, elles vont systématiquement alimenter la demande immédiate sur cryptos (chute de la vélocité, baisse des devises, etc…). Ainsi que la demande à long terme (effet cumulatif des contraintes budgétaires pour les États impliquant des tensions monétaires).
L’avènement de la décentralisation et de l’IA grâce aux cryptos ?
Manifestement, nous arrivons aux limites humaines de l’économie de la connaissance. Cela suggère une demande accrue pour une extension de ces limites : l’Intelligence Artificielle. À cela il faut ajouter la centralisation du pouvoir économique qui s’est manifestée ces 40 dernières années, essentiellement au profit des États (et en partie des entreprises). C’est une limite à la croissance économique. L’effet qui en découle est celui du besoin de décentralisation et d’innovation. Les cryptos répondent à une demande économique pour les 15 à 20 ans à venir au moins (plus en matière monétaire).
Le besoin de décentralisation, de sécurité monétaire, et d’innovation est une composante de la période actuelle et à venir. Cela favorise des secteurs comme ceux de la Defi dont la capitalisation totale est en nette progression en 2020. Cela se traduit plus concrètement par la hausse du prix des actifs piliers à l’industrie crypto comme l’Ethereum. Cet effet est global dont devrait largement bénéficier les nouvelles puissances mondiales comme la Chine horizon décennie 2030.
Nous observons déjà cette rupture dans le rebond qui a suivi le décrochage de mars. Le rebond du Bitcoin représente près de 90%, contre plus de 260% pour l’ETH.
Les cryptos ne sont pas apparues par hasard. Elles répondent –en opposition à l’équilibre économique actuel– à des besoins caractéristiques de notre époque. Leur insertion dans le processus économique semble devenir une réalité. Résultat d’un processus de démocratisation : spéculation, puis financiarisation et « institutionnalisation » économique. La crise de la Covid a révélé des tendances de long terme à venir, ce dont devrait largement bénéficier l’industrie cryptos au sens large.
Plus qu’un enjeu financier, les cryptos entrent doucement dans le nerf de la guerre : l’économie. Les évolutions économiques fondamentales à venir seront alors à mettre en perspectives avec les cryptos. Encore une fois, les cryptos sont dans le respect d’une figure historique millénaire version 2.0 : une réaction à la dégradation monétaire abusive et à la centralisation du pouvoir qui en découle.
Merci, j’apprécie beaucoup vos informations
Merci Fernand, ravi de voir que mes publications plaisent 🙂