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Loi du marché et inefficacité de la redistribution des ressources | Économie

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32% ! C’est la part de dépenses publiques sociales en France en rapport au PIB en 2020. Alors que le poids des dépenses publiques dans l’économie mondiale a été multiplié en moyenne par 5 en un siècle, les dépenses de redistribution deviennent surabondantes. Il est urgent de repenser l’efficacité réelle de la redistribution des ressources. Deux auteurs démontrent clairement l’impact de la redistribution des ressources sur la structure des marchés : Pareto et Mandelbrot.

En 1906, Vilfredo Pareto découvre ce que l’on nommera plus tard la loi de Pareto. Son étude se portait sur la distribution des richesses. Son observation est qu’une minorité d’individus détient une majorité des ressources tandis qu’une majorité d’individus détient une minorité de ressources.

Vilfredo Pareto naît à Paris en 1848 de très bonne ascendance. Il poursuivit ensuite ses études secondaires et supérieures en Italie. Son penchant pour l’économie lui vaut une fervente critique du socialisme et du protectionnisme. En 1906, il fait sa fameuse observation de la loi de Pareto ou loi des 80-20. Cette loi désigne initialement le fait que 20% des individus concentrent 80% des richesses. Pareto avait par exemple observé que près de 27% de la population britannique détenait presque 75% des richesses. De toutes évidences, la loi des 20-80 n’est pas une évidence fixe. Néanmoins, elle souligne un fait statistique bien plus profond.

Le graphique ci-dessus illustre la loi 20-80 de Pareto. En ordonnée, on retrouve le pourcentage de population de 0% à 100% et en abscisse le niveau des revenus croissants. Ce graphique se rapproche de la distribution de revenus observée dans certains pays[1]. Au-delà de la moyenne de revenus (sommet de la courbe), plus la partie de population devient petite, plus les revenus s’accroissent de manière quasi-exponentielle. De toutes évidences, cela traduit le fait qu’une petite partie de la population contribue en très large majorité à la création de richesses. L’observation de Pareto est simple : une minorité d’individus concentre une majorité de ressources et une majorité d’individus concentre une minorité de ressources.

Loi de Pareto comme loi des marchés

Dans les années 1960, le mathématicien Benoit Mandelbrot reprend les travaux de Vilfredo Pareto, qu’il met en lien avec la loi stable (ou distribution de Lévy tronquée). En effet, l’idée qui a prédominé dans la distribution des ressources a longtemps été celle d’une répartition symétrique des ressources : une minorité est à très riche ou très pauvre et une majorité concentre la plupart des ressources. Mais cette idée est fausse. C’est ce que l’on appelle une distribution gaussienne.

Modeling Market Crashes using Physics | by Marco Tavora Ph.D. | Towards  Data Science
Distribution de Gauss et de Lévy

Le mathématicien Mandelbrot a notamment mis en avant le fait que la distribution des ressources ne suivait pas une loi de Gauss, mais plutôt une loi de Lévy. Cette démonstration est d’une importance majeure. Les observations statistiques sur tous les marchés, et à toutes les époques, montrent le respect de la loi de Lévy (indices boursiers, matières premières, salaires, etc…). Par exemple, le graphique ci-dessous montre la répartition des salaires en France.

En France en 2020 par exemple, le nombre de personnes actives en emploi (hors chômage) était de 27 millions. Ce qui signifie dans l’absolu que plus de 40% de la population ne travaille pas et ne génère aucun revenu. Il est évident qu’une infime partie de la population, statistiquement et probablement inférieure à 20% du total, alimente la très large partie des recettes publiques. Ainsi, sur près de 39 millions de foyers fiscaux, seuls 43% étaient imposables sur le revenu en 2018.

Plus frappant concernant les inégalités d’imposition, 10% des foyers fiscaux ont alimenté 70% des recettes de l’impôt sur le revenu en 2016. L’impôt sur le revenu pesait presque le quart des recettes de l’État en 2019, après la TVA (48%). Il existe proportionnellement une inégalité extrême de participation financière à la vie publique. Cela encourage la polarisation sociale et la dépendance d’une partie de la population à l’action de l’État et l’opposition de la partie restante, quasi-minoritaire. Le problème de l’État est qu’à toutes les époques, les dépenses ont toujours entraîné les dépenses. C’est structurel pour agent qui ne produit rien excepté ordre et éducation.

La moralité de cette loi de Pareto est que 20% des causes produisent 80% des conséquences. Cette distribution est évidemment arbitraire pour illustrer la loi globale qu’une faible partie des agents produisent la plupart des décisions. En clair, agir sur 20% des causes permet de résoudre 80% des problèmes. Vilfredo Pareto a également développé l’idée selon laquelle, pour reprendre sa célèbre formule, « l’histoire est un cimetière d’aristocrates ». Pour reprendre notre distribution théorique, une petite partie de la masse des 80% parvient régulièrement à atteindre l’élite des 20%. Les élites sont donc dans la nécessité de se battre pour conserver leur place.

Pour Pareto, la lutte des élites en place contre les nouvelles élites se termine toujours par la victoire des nouveaux arrivants, qui bénéficient plus fortement d’une dynamique de croissance. La circulation des élites détermine ainsi la très large partie de l’Histoire. Les politiques devraient relire leur histoire économique.

Cette courbe de Pareto montre le fait que le pouvoir entraine irrémédiablement le pouvoir. Si l’on se réfère à la formule de Pareto, la chance de devenir milliardaire quand on a fait 500 millions est globalement équivalente à la chance de devenir millionnaire quand on a déjà fait 500 000. Ces probabilités ne fonctionnent que pour les ultra riches pour lesquels la part dans la population totale change peu avec l’évolution des revenus. Le fait est qu’à un certain degré, les capitaux attirent les capitaux. Tous les marchés suivent cette loi d’attraction des capitaux.

L’effet de la croissance sur les inégalités

Maintenant imaginez que les ressources globales d’un ou plusieurs marchés augmentent. Cela a pour effet d’augmenter l’étendue de la courbe de distribution de Pareto. Deux effets en découlent :

  • La croissance provoque un enrichissement des plus riches (déplacement de la courbe à droite). La minorité d’ultra riches concentre des richesses de manières plus hétérogène.
  • La croissance provoque une extension de la courbe de Pareto autour du sommet. Cela a pour conséquence de diminuer l’écart entre « la masse » (moyennisation), et de provoquer une répartition plus homogène des ressources auprès de la majorité.

Ce que la plupart des économistes échouent à comprendre, c’est que la répartition plus homogène des ressources pour la majorité de la population abouti à une hausse de la mobilité sociale. En clair, la mobilité sociale n’existe qu’au prix d’un enrichissement des plus riches. C’est statistiquement ce que décrit la loi de Pareto. La mobilité sociale renvoie à la capacité des individus à changer de statut social.

La majeure partie de la croissance s’explique par ce que l’on appelle la productivité globale des facteurs de production, c’est-à-dire les innovations et le progrès technique. Quand une innovation se diffuse, elle provoque l’enrichissement à outrance de nouvelles fortunes et la moyennisation des revenus de « la masse ». En effet, à toutes les époques, les premières fortunes ont toujours été initiatrices des innovations du moment (compagnies commerciales au XVIIIe siècle, compagnies de chemin de fer et de l’acier à la fin du XIXe siècle, compagnies de pétrole et automobiles au début et milieu du XXe siècle, numérique au début du XXIe siècle, etc…). Cela abouti au combat éternel entre les nouvelles élites et les anciennes élites.

Ainsi, on observe une corrélation entre la hausse de la productivité globale des facteurs d’une part, et la mobilité sociale d’autre part. Il vaut mieux un pays avec des riches toujours plus riches et une plus grande mobilité sociale ; qu’un pays avec des riches toujours plus persécutés et une moindre mobilité sociale de la masse. C’est statistique et factuel.

L’inefficacité de la redistribution des ressources

L’argument de beaucoup d’anti-libéraux est de dire que la redistribution des ressources est nécessaire. Besoin est d’abord de déterminer l’effet sur la distribution finale. Mathématiquement, l’objectif central de la redistribution est de passer d’une courbe de distribution de Lévy tronquée à une courbe de distribution gaussienne. Écrit autrement, les partisans de la redistribution des richesses veulent tendre vers une courbe symétrique.

Le fait de passer d’une courbe de Lévy à une courbe de Gauss change la structure même de tous les marchés. Chaque individu accorde un temps différent à chaque marché et chaque individu dispose de compétences et donc d’une productivité fortement différenciée selon les marchés. C’est ce qui explique structurellement le fait que les marchés suivent une courbe de distribution de Pareto plutôt qu’une courbe de Gauss.

L’idée de redistribuer revient à modifier structurellement la courbe de distribution, la cyclicité du marché. Ce qui revient à vouloir réduire à néant toute possibilité de mouvement et d’évolution économique à long terme. Statistiquement, redistribuer conduit à une réduction des évolutions possibles et in fine, de la hausse de la mobilité sociale. La moralité des statistiques observées sur les marchés est que l’action publique de redistribution n’est justifiée que durant les périodes de forte volatilité de distribution.

Si une Dépression ou fort boom économique venait à se manifester dans les prochaines décennies, la forte volatilité de distribution qui en découlerait rendrait plus nécessaire une redistribution des ressources. Cependant, la présence antérieure d’une forte redistribution, comme c’est le cas aujourd’hui, rendrait l’État en incapacité totale d’assurer sa mission de stabilité. Ainsi, le mécanisme de redistribution actuel est injustifié au regard de la diminution de la volatilité globale de distribution. Cela a pour conséquence de réduire les possibilités d’évolutions, technologiques et humaines, de la plupart des marchés. On ne pourra qu’insister sur le fait que les marchés sont structurellement caractérisés par le paradoxe de distribution de Pareto, fondation nécessaire au bon fonctionnement de tout marché.

By Thomas Andrieu | AUTHOR AND REDACTOR

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[1] À partir de la courbe de Lorentz.