You are currently viewing Utiliser les volumes sur Bitcoin : étude exclusive.

Utiliser les volumes sur Bitcoin : étude exclusive.

Cet article a été publié initialement sur Cointribune : SOURCE.

Lors du deuxième et du troisième trimestre 2021, il s’échangeait en moyenne près de 900 000 Bitcoins par jour sur les marchés. Ce volume considérable nous laisse immédiatement supposer un impact sur les prix. Ainsi, de très nombreux investisseurs utilisent de manière récurrente l’indicateur des volumes sur cryptomonnaies. Mais cet indicateur de volume est-il vraiment pertinent ? Pour répondre, nous pouvons faire appel à des notions économiques et quantitatives afin d’évaluer la pertinence du lien entre le cours du Bitcoin et les volumes échangés. Cette étude spéciale est dédiée à la compréhension des mécanismes qui interagissent entre les volumes et le cours du Bitcoin. 

La notion d’élasticité.

En économie, on mesure le lien entre la demande et le prix par l’élasticité. Simplement écrit, l’élasticité correspond à l’évolution de la demande quand le prix de l’actif donné augmente. Par exemple, si le prix du Bitcoin est aujourd’hui de 60 000$ avec une demande journalière de 500 000 Bitcoins ; et que le prix du Bitcoin passe à 70 000$ avec une demande de 600 000 Bitcoins, alors l’élasticité d’un jour sur l’autre est de 10 :

Elasticité = (600 000BTC-500 000BTC) /(70 000$-60 000$) = 100 000BTC/10 000$ = 10

Dans ce cas, une augmentation du prix de 1$ conduit à une augmentation de la demande de 10BTC sur le marché. Cet exemple, très simplifié, permet d’introduire le propos de notre analyse des volumes. En théorie économique, l’élasticité des actifs financiers est souvent associé à une élasticité supérieure à zéro (la hausse du prix augmente la demande), ce qui n’est pas toujours véridique.  

On réalise ainsi la moyenne de l’ensemble des élasticités mesurées sur le Bitcoin. Sur près de 2000 données considérées, entre 2016 et 2021, l’élasticité moyenne du Bitcoin est de +9,96. Cela signifie qu’une hausse du prix de 1$ conduit en moyenne à la hausse de la demande sur le marché pour 10$. Ce phénomène explique que la capitalisation du Bitcoin soit passée de 5 milliards d’euros en 2016 à plus de 1 000 milliards d’euros fin 2021 (x200). Le prix est quant à lui passé de 340€ à 48 000€ aujourd’hui (x141). Manifestement, la hausse de la capitalisation a été plus forte que la hausse du prix. Cela traduit donc le fait que la hausse du prix du Bitcoin est en partie diluée par (1) la création de nouveaux bitcoins et (2) le fait que les volumes soient naturellement croissants (en $) et que l’élasticité soit biaisée à la hausse. Ce qui est par ailleurs un avantage financier non négligeable.

Evolution des variations du prix et des volumes : une clé de lecture ?

Nous représentons ci-dessous les variations du prix du Bitcoin (orange, axe de gauche) et les variations des volumes (bleu, axe de droite). On remarque effectivement que les prix et les volumes sont liés entre eux, de manière plutôt positive. Néanmoins, certains mouvements de baisse des prix s’accompagnent de mouvements extrêmes sur les volumes. 

Dans tous les cas, l’observation sur Bitcoin est que la variation des volumes est toujours plus forte que la variation des prix. Ainsi, une légère variation du prix conduit à une évolution plus importante des volumes. En finance de marché, les volumes jouent effectivement un rôle déterminant.

Demande = volume demandé x prix demandé

Avec (pour le BTC) : variation volume demandé = 10 x variation du prix

La demande totale est généralement déterminée en fonction du prix d’achat d’une part, et de la quantité d’achat d’autre part. Ce que démontre l’étude des volumes du Bitcoin est que les volumes dépendent positivement des prix, et donc que toute hausse de demande globale est auto-entretenue dans le temps. La hausse du prix entraine une hausse des volumes (en $), ce qui augmente la demande, puis le prix, et puis encore les volumes et ainsi de suite… Lors des baisses, la chute du prix déprécie fortement les quantités demandées tandis que les quantités offertes augmentent. La baisse s’auto-entretient, mais un choc haussier du prix peut plus facilement traduire un retournement haussier du cours. En clair, l’élasticité du Bitcoin est un élément de démonstration à sa forte volatilité.

Nous nous concentrons ici sur une approche supplémentaire de l’influence des volumes sur le prix. La courbe noire représente les variations cumulées des volumes (force de tendance des volumes). On remarque que le Bitcoin est devenu intéressant à l’achat à chaque fois que les variations cumulées des volumes ont atteint le niveau des 0% (axe de droite). Ce graphique nous montre sans détour que les retournements du prix du Bitcoin sont très souvent accompagnés d’une neutralisation des volumes. C’est-à-dire que chaque période de stagnation des volumes s’accompagne généralement d’une tendance puissante sur les prix. Les variations des volumes doivent être perçues comme des déclencheurs de tendance plus que des faiseurs de tendance.

Pour l’heure, nous nous situons autour de 100% du cumul des variations sur les volumes. C’est-à-dire qu’une réduction des volumes dans les prochaines semaines serait caractéristique d’une canalisation du prix.

Prix et volumes du Bitcoin : quelles véritables relations ?

La première observation est que la quasi-totalité des variations du prix et des volumes se suivent. Cependant, il existe une légère corrélation entre la variation des volumes et la variation des prix. Pour être explicite, le calcul des corrélations montre que (1) la corrélation absolue Bitcoin-Volumes est de -10% et (2) la corrélation entre les variations du prix Bitcoin et les variations des volumes est de +8%. Cette corrélation demeure trop insignifiante pour pouvoir comparer les variations du prix aux variations des volumes. Le graphique ci-dessous reprend en abscisse le taux de variation journalier du Bitcoin (horizontal) et en ordonnée le taux de variation des volumes journaliers (vertical).

On remarque effectivement que la comparaison graphique de la variation du prix d’une part et de la variation des volumes d’autre part est très concentrée autour de la ligne neutre. Néanmoins, on notera que les variations extrêmes des volumes sont statistiquement plus propices à se produire lorsque la variation du prix est négative. Une hausse forte des volumes à court terme est donc un signal généralement de type baissier. De plus, on notera que cette observation est aussi valide pour des variations plus petites (centre ovale du graphique).

Enfin, on semble apercevoir dans les statistiques du Bitcoin une règle de statistique financière. Comme pour les actions (Dow Jones), on remarque que les variations extrêmes du prix du Bitcoin sont accompagnées de volumes globalement stagnants. A l’inverse, une stagnation du cours a légèrement plus de chance de traduire une instabilité des variations. Bien que cette observation soit moins perceptible sur le Bitcoin, elle demeure tout de même existante. Cette règle de marché est généralement associée à la structure même de la cyclicité des marchés.

La puissance des volumes sur Bitcoin

Ce dernier graphique résume nos observations statistiques. Il compare le prix du Bitcoin (horizontal) avec les volumes échangés (exprimés en bitcoins, axe vertical). Deux observations majeures s’offrent à nous.

La première, c’est que les volumes (en BTC) sont décroissants avec la hausse du prix du Bitcoin. Ainsi, plus le prix du Bitcoin va augmenter, plus les volumes demandés en bitcoin seront faibles (bien que demeurant avec une élasticité positive). La deuxième observation est que la décroissance des volumes par rapport au prix suit une ligne logarithme. Cela signifie que la décroissance des volumes est de plus en plus faible dans le temps. Cette propriété est à mettre en relation avec la nature logarithme du prix du Bitcoin. On en déduit que la plus faible décroissance des volumes dans le temps implique la plus faible croissance (logarithme) du prix du Bitcoin dans le temps. Le prix du Bitcoin dépend réciproquement de l’évolution des volumes dans le temps. Ce graphique démontre sans détour que la hausse du prix du Bitcoin est avant tout le fait de la concentration d’investisseurs de long terme (anesthésie des volumes par les holders).

On remarque enfin nos conclusions avancées plus haut. En effet, les volumes sont globalement très stables lors des périodes de hausse ou de baisse du prix du Bitcoin (exemple de la période entre fin 2020 et début 2021). A l’inverse, l’instabilité des volumes est caractéristique des périodes de stagnation du prix. Plus le Bitcoin reste concentré autour d’une zone de prix (par exemple 10 000$ ici), plus les volumes échangés seront instables.

Que pouvons nous imaginer dans le futur ? On sait que les quantités de Bitcoin sont limitées, et que les volumes du Bitcoin devraient décroitre encore. En théorie, ce sera un facteur d’instabilité des prix, mais celle-ci devraient être moins prononcée du fait de la canalisation à long terme du prix du Bitcoin. On peut ainsi imaginer un processus de normalisation.

En bref.

En définitive, nous avons vu que les volumes ne sont pas un indicateur immédiat de tendance. L’évolution des volumes est plutôt à contextualiser, et l’étude des variations des volumes est plus pertinente que l’étude des volumes eux-mêmes. Tout d’abord, on insistera sur le fait que les volumes échangés sur le Bitcoin sont décroissants à mesure que le prix du Bitcoin augmente. Néanmoins, la sensibilité des volumes aux prix demeure très élevée (10), ce qui est une propriété tout à fait remarquable du Bitcoin. De plus, nous avons également montré que les volumes étaient assez utiles pour indiquer la présence d’une stagnation des prix (avec des volumes plutôt instables) ou bien la présence d’une forte tendance (stagnation des volumes). Dans tous les cas, il semble limpide que les volumes ont un rôle implicite puissant sur le prix du Bitcoin.

​THOMAS ANDRIEU 

Twitter – Linkedin – Facebook – Telegram
andrieuthomas.com