En 2002, une équipe de chercheurs dévoile une étude qui met en avant le lien entre les classes d’âges (ou le vieillissement de la population active) et la valorisation des marchés financiers. Il existerait effectivement un lien à long terme entre l’âge de la population active et la valorisation des marchés financiers. Plus de 20 ans après cette première étude, l’évolution boursière observée depuis 2000 semble avoir répondue au phénomène de vieillissement de la population. Nous avons plus amplement discuté ce phénomène démographique dans le livre « Création et Destruction ».
Qu’est-ce que le ratio MY ?
L’étude menée en 2002 avance l’existence d’une corrélation entre les cycles générationnels et les performances boursières (Demography and the Long-Run Predictability of the Stock Market John Geanakoplos, J.P. Magill, Martine Quinzii, August 2002). Le fondement de l’étude repose sur le ratio MY. C’est-à-dire que nous divisons la part de la population moyennement âgée (35-49 ans) par la part de la population jeune (20-34 ans). Les hypothèses théoriques sont relativement simples :
- Une population active plus âgée épargne plus et consomme moins qu’une population active jeune. Cela a pour effet d’augmenter le prix des actifs financiers (plus d’épargne), mais aussi de « réduire » relativement les bénéfices des entreprises (moins de profits). Il s’en suit que le ratio de valorisation P/E (prix / bénéfices) augmente avec une population active vieillissante.
- Une population active plus jeune va consommer plus et épargner peu (emprunts, projets…). Cela a pour effet de réduire le ratio de valorisation P/E.
Evolution de la bourse et de l’âge de la population active
Le premier graphique montre la valeur du ratio MY, et par ailleurs, le second graphique montre le S&P en échelle logarithme. Nous voyons que la performance de la bourse entre 1910 et 1950 est essentiellement plate, ou stagnante. Cette dynamique est sous-tendue par la stagnation du ratio MY jusqu’à la fin des années 1940. C’est-à-dire que la population active restait principalement jeune, et que le ratio est resté stable pendant toute la phase descendante du cycle de Kondratiev (1920-1950).
Ensuite, la bourse a connu une phase d’ascension importante entre 1950 et 1970, en parfaite corrélation avec le vieillissement de la population active. Mais le baby boom n’était pas loin, et il provoque dans les années 1970 et 1980 un effondrement de l’âge de la population active, et ainsi du ratio MY. La bourse connaît ensuite une hausse considérable entre 1990 et 2000. Là encore, cette hausse est soutenue par le vieillissement des baby boomers au sein de la population active.
Nous pouvons aussi remarquer que la bourse a dépassé à la hausse sa tendance historique dans les années 1990. Nous pouvons supposer la présence d’une phase descendante du cycle de Kondratiev de la fin de1970 jusqu’au début des années 1990. Pour comprendre mieux le lien entre la démographie, le taux et le cycle long, nous avons développé les travaux de Nikolaï Kondratiev : Qui était Nikolaï Kondratiev ? – Thomas Andrieu (andrieuthomas.com).
Un marché haussier « jusqu’en 2035 » ?
Dans ce cadre, certains analystes seraient disposés à soutenir l’hypothèse que le marché haussier, débuté dans les années 2010, serait amène de s’achever dans la décennie 2030. Cette hypothèse est soutenue par de nombreux autres éléments concordants, qui seraient trop longs d’exposer ici. Nous avons exposé ces faits dans Création et Destruction | Les mystères des cycles économiques et humains – Thomas Andrieu (andrieuthomas.com).
Le vieillissement de la population active d’ici à 2030 est essentiellement porté par la génération des millennials. Il s’en suit que nous pouvons légitimement s’attendre à la continuité de la valorisation des actifs financiers, et en un sens, à une certaine abondance du capital. Mais les premières difficultés sur l’inflation et les taux apparaissent déjà, et annoncent progressivement la fin de la phase ascendante du cycle long de l’économie. Nous vivons une réaction similaire aux dynamiques économiques observées entre 1910 et 1920.
Comme nous l’avons souligné, la bourse reste orientée de manière très haussière (au-delà de sa norme historique) depuis les années 1990. Cette tendance, comme nous l’avons montré, serait portée par le vieillissement de la génération Y en particulier. Par suite, le déclin du ratio MY après 2030 fait dire à certains que la bourse pourrait s’engager dans une stagnation importante. En effet, il faut ajouter à cela le déclin démographique absolu (l’Europe atteindra son pic démographique dans les prochaines années), et les difficultés liées à des gains de productivité moindres (investissements écologiques, poids des dépenses publiques, etc). En clair, la bourse sera-t-elle aussi performante que sa norme historique dans les décennies qui suivront 2030 ?
L’influence de la démographie sur le taux d’intérêt
La bourse croît souvent avec la baisse des taux, mais cela n’est pas toujours vérifié. En effet, la plupart des krachs boursiers se manifestent avec des récessions, et une baisse des taux directeurs. Ce fut en particulier le cas des les années 1930 et 1940. Néanmoins, il est évident qu’une population active plus âgée concentre plus de capital. L’offre de capital augmente, et les pressions sur les taux sont orientées à la baisse.
Il est ainsi remarquable que le pic du taux d’intérêt en 1980 fut synchronisé avec une extrême jeunesse de la population active. Au regard du fait que la variation du ratio MY d’ici à 2050 devrait être moins ample, nous pouvons nous attendre à des mouvements de taux moins importants que dans les 50 dernières années. Mais le poids de l’endettement est devenu particulièrement lourd, et le marché de la dette semble saturé, ou en voie de saturation. Le graphique suivant n’est pas dénué d’intérêt pour la réflexion qui est la nôtre :
Par THOMAS ANDRIEU
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